LE HOUSING FIRST BRUXELLOIS GRANDIT
LE CAP DES 200 PERSONNES DÉPASSÉ À BRUXELLES
12/09/2022
En 2013, Bruxelles voit naître son premier projet Housing First, puisant son inspiration des projets du même nom aux États-Unis. Aujourd’hui, près de dix ans plus tard, plus de 200 personnes ont intégré l’un de ces programmes dans notre capitale. Avec l’aide des équipes d’accompagnateurs et de leurs partenaires-logement, elles ont (re)trouvé un logement abordable et qui leur convient, ainsi que l’espoir d’une vie meilleure. Le Housing First bruxellois grandit, de nouveaux projets continuent à se développer, et, bien sûr, nous aspirons à ce que cela continue sur cette voie.
UN TEXTE RÉDIGÉ PAR DIOGENES ASBL
Le Housing First, ça marche ! Ce dispositif – qui a pour objectif d’inclure par le logement des personnes sans-abri particulièrement vulnérables et qui manquent de perspectives parmi les solutions existantes – présente un taux de maintien en logement proche de 90% à Bruxelles. Un chiffre qui témoigne de la réussite de cette philosophie du travail social. En d’autres mots, le Housing First permet de sortir les plus vulnérables de la rue et de les accompagner sur le chemin du rétablissement. Aujourd’hui, nous comptons 5 opérateurs dans notre capitale : le projet d’Antonin Artaud, celui d’Infirmiers de Rue, celui du Smes, Station Logement (DIOGENES) et Stepforward (New Samusocial). Et ce nombre ne cesse de croître.
Ce succès bat en brèche les idées reçues sur l’impossibilité de reloger les plus exclus. Le premier principe du Housing First énonce que le logement est un droit fondamental. Pourtant, il nous arrive d’entendre dire que ces gens sont incapables, fous, drogués, violents, marginaux. Qu’on ne peut pas leur faire confiance et qu’ils sont responsables de ce qui leur arrive. Donc, outre le cumul de problématiques de précarité, de drogues et de troubles mentaux, ces personnes ont derrière elles un long parcours d’exclusion sociale et d’errance en rue et portent simultanément ces stigmates infamants. Cette “pauvrophobie” condamne les plus fragiles sans questionner ce qui a provoqué leur déchéance. Les étiquettes qu’on leur met à dos entravent leur rétablissement, alors que leurs problématiques individuelles sont bien réelles. Et le chemin pour les déconstruire est encore long…
Afin de nous adapter au mieux à ces situations, nous, travailleurs Housing First, fonctionnons de façon pragmatique, suivant les principes de base édictés par Housing First Belgium[1]. Nous agissons par essais/erreurs, en essayant de maintenir à distance nos propres a priori, en nous basant sur ce que nos bénéficiaires expriment et désirent, sans la moindre coercition si ce n’est parfois un appel à leur bon sens et le souci de les informer adéquatement. Nous agissons dans un souci de réduction des risques et nous sommes convaincus d’au moins une chose : les chemins qui mènent au rétablissement ne passent pas par des jugements de valeur réducteurs.
Il ne s’agit pas ici de prendre en charge avec paternalisme les exclus du système mais bien d’assurer leurs besoins de base (logement, revenu, accès à la santé, etc.), et de reconstruire avec eux un réseau existentiel dans lequel ils pourront créer de nouveaux contacts sociaux, trouver des ressources et donner du sens à leur vie. Cette dernière partie est d’ailleurs soutenue par le projet Affiliation, une initiative transversale à tous les projets Housing First bruxellois, et qui au travers d’activités choisies par les bénéficiaires, met en avant l’importance de la ré-affiliation, dans le processus de rétablissement des personnes vulnérables et marginalisées.
L’accompagnement demeure complexe et est jalonné de rechutes, de difficultés, d’angoisse. Il y a de nombreux déménagements, des tentatives avortées, des projets de vie qui n’aboutissent pas, des vieilles histoires souvent tragiques qui font surface sans crier gare. Mais nous restons là, à leurs côtés, aussi longtemps que nécessaire.
À terme, ce type d’accompagnement ouvre la voie à de nombreuses surprises pour les habitants de la rue telles la prise de conscience de compétences longtemps refoulées, le retour d’une passion oblitérée par l’isolement, ou encore des retrouvailles familiales que personne ne pensait possibles. Bref tout ce qui existe de positif et qui ponctue l’expérience humaine redevient à nouveau accessible une fois que les conditions pour une vie digne sont réunies.
Le haut taux de maintien en logement est une preuve de réussite, mais il n’est pas le seul. Accompagner en Housing First, c’est accompagner la personne dans tous les aspects de sa vie, en tout cas tous ceux dans lesquels elle souhaite être accompagnée. Outre le logement, nous contribuons à ce que ces nouveaux locataires retrouvent un statut administratif, un revenu, un traitement adapté ainsi que des relais psycho-médicosociaux ou culturels. Le succès le plus important demeure sans doute la place que ces personnes retrouvent dans la société.
Le Housing First bruxellois grandit. 200 personnes, ce n’est qu’un début. Il serait prématuré de crier victoire trop vite puisque Bruxelles compte encore à peu près 5.000 habitants de la rue. Parmi eux, sans doute quelques centaines présentent une vulnérabilité telle qu’un service d’accompagnement Housing First puisse être adéquat. Rappelons que la pénurie de logement touche également nos projets, dont seules les ressources humaines sont subsidiées par les pouvoirs publics, contrairement à certains autres projets européens de Housing First qui bénéficient à la fois de logements et de ressources humaines. Des solutions sont à portée de main et ne demandent qu’une bonne volonté politique. En attendant ce jour peut-être pas si lointain, nous continuons notre action, encouragé par le grand travail accompli.
[1] HOUSING FIRST BELGIUM, Mise en place d’une expérimentation, 2013, p.19. http://www.housingfirstbelgium.be/medias/files/hfb-mise-en-place-et-1eres-observations-2.pdf
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